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Chaque matin, Nicolas Turon rend hommage à son département avec un texte drôle, tendre et complice, en forme de déclaration d’amour à la Moselle. Il choisit un emblème appartenant à

l’histoire ou à l’actualité et le traite de manière décalée. A31 _Jeudi 2 janvier 2025_ Lentement, dans le canyon du sillon mosellan, les bêtes s’ébrouent. Ici, les chevaux sont sous le

capot. Le défilé des animaux attend de trouver un point de fraicheur économique de l’autre côté de la frontière. Chaque mule touche le pare-buffle du bestiau qui le précède. On avance au

pas. Comme un troupeau de gnou, la meute mécanique converge vers un eldorado luxo, empli de BIFIrolls, de profits bancaires et de directeurs de service condescendants. Les bagnoles sont

belles, mais roulent au pas. Les costumes sont impeccables, mais noyés d’impatience. Les mains aux ongles rongés tapotent désespérément les volants tandis qu’à leurs poignets, des montres

connectées affichent les cours de la bourse et la gestion du temps de sommeil du travailleur frontalier jeté sur la route dès potron-minet. Ainsi va la vie de l’A31 d’aujourd’hui : grosses

bagnoles, gros revenus, gros bouchons. Rouler en intérieur cuir, quel que soit le temps, s’appelle se mettre sur son A31. 100 000 passages chaque jour à hauteur de la croix d’Hauconcourt, un

des plus importants débits de France. Malheureusement, notre portion d’autoroute a le même problème que les socialistes et les républicains réunis : elle n’a que trois voies. Il est normal

d’avoir des problèmes d’artères bouchées à 61 ans, me direz-vous. En 1963, en effet, la norme était claire : au-delà de 10 000 véhicules / jour sur un tronçon, on lançait la construction

d’une autoroute. Entre Metz et Thionville, on frôlait les 13 000. Ainsi fut lancé le chantier de la première portion de l’A31, reliant Metz à Talange. En s’étendant vers le nord, jusqu’au

Luxembourg, et au sud, jusqu’à Beaune, elle atteindra 349 kilomètres au total, jusqu’à devenir un vrai show-room pour radar. La voix du milieu a été préemptée par la Belgique, qui va bientôt

y construire des ambassades, tant ses ressortissants si plaisent. Fait original : le 16 décembre 1972, c’est le local de l’étape Pierre Messmer, alors Premier Ministre, qui inaugure la

portion Nancy-Metz-Thionville. Afin de prouver son efficacité, on lance un pilote qui effectue le trajet Thionville – Nancy en trente minutes, à 200 km/h de moyenne… Largement de quoi faire

rêver les usagers de 2025. À ÉCOUTER AUSSI