TEMOIGNAGES. Maires en détresse : dégradation de la santé mentale et physique, pression, usure… quand les élus jettent l’éponge


TEMOIGNAGES. Maires en détresse : dégradation de la santé mentale et physique, pression, usure… quand les élus jettent l’éponge

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"Je suis arrivée au bout de ce que je pouvais endurer". Cette phrase avait été rédigée non sans émotion par une jeune élue de 35 ans, éprouvée par trois années particulièrement denses à la


mairie de Pibrac (Haute-Garonne). Dans le nord-ouest toulousain d’ailleurs, le nom de Camille Pouponneau n’est étranger à personne, tant le renoncement de la jeune édile en octobre dernier


avait suscité l’émoi. En se défaisant de son écharpe tricolore, elle avait eu des mots forts, revenant entre autres sur la "dégradation" de sa santé mentale et physique, ne lui permettant


plus "d’assurer ses fonctions avec le recul et l’énergie nécessaires".


Camille Pouponneau affirmait surtout avoir dû exercer ses missions de maire les pieds et les mains liés : "Je me sens aujourd’hui simple gestionnaire sans aucune marge de manœuvre, noyée


sous le poids de règles étatiques rigides et de décisions intercommunales sur lesquelles il est difficile de peser, perdant tout le sens de mon engagement", écrivait alors l’ancienne maire


de Pibrac, estimant que son quotidien était davantage "consacré à la maîtrise des déjections canines qu’à des projets structurants pour l’avenir de la commune". Sur la toile, l’ex-édile


avait pointé du doigt la surréglementation à laquelle sont confrontés les élus locaux et les "coups de rabot" budgétaires annoncés par le gouvernement. La reconnaissance ? 80 % du SMIC pour


70 heures de travail par semaine, selon l’intéressée.


Le témoignage lancé par la jeune femme n’avait pas manqué de susciter de vives réactions de la part des élus locaux de Haute-Garonne. "Le jour où on n’aura plus d’élus, de maires, ce n’est


pas l’État qui va assurer", avait commenté dans nos colonnes le député Arnaud Simion. "Ce cri d’alerte d’une jeune élue doit être entendu", avait pour sa part insisté la présidente de la


Région Occitanie, Carole Delga.


Auprès de Philippe Plantade, ancien maire de Bruguières (Haute-Garonne), le nom de Camille Pouponneau est loin d’être inconnu. Le témoignage de la trentenaire n’est pas sans rappeler les


difficultés rencontrées par l’édile avant sa démission, au beau milieu de son mandat de maire, au mois de mars dernier.


L’intéressé, qui portait un projet d’aire de grand passage pour les gens du voyage, affirme avoir subi des pressions, rendant difficile sa fin de mandat. Celui qui est resté en poste à la


mairie de Bruguières pendant 15 années déplore par ailleurs une "usure" et un rythme effréné : "En 35 ans de vie d’élu, je n’ai jamais aidé ma fille à faire ses devoirs, témoigne Philippe


Plantade, admettant un choix de vie. Il faut se donner à 300 %. Je partais à 7h30 du matin pour rentrer aux alentours de 20 heures". L’ancien maire évoque un calendrier dans lequel les


week-ends et les jours de repos ne prenaient que peu de place.


Vient aussi la solitude dans l’exercice du pouvoir : le Bruguiérois redit son isolement face aux "contraintes budgétaires" imposées par le gouvernement ainsi que dans la gestion du personnel


de mairies. "140 à 150 employés dans une commune comme la nôtre… C’était pour moi sensible et compliqué", admet l’ancien maire, regrettant un manque d’accompagnement et de moyens qui


risquent bien de ne pas s’arranger dans les années à venir, au grand dam des élus locaux français.