«après les barricades de la fronde et de la commune, la france s’habitue aux émeutes footballistiques»


«après les barricades de la fronde et de la commune, la france s’habitue aux émeutes footballistiques»

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FIGAROVOX/TRIBUNE - Les débordements qui ont suivi la victoire du PSG pourraient être rapprochés des révoltes du passé. À ceci près que les hordes de jeunes casseurs ne revendiquent rien


d’autre que la jouissance de se laisser aller au bruit et à la fureur, analyse Ophélie Roque. Publicité _Ophélie Roque est professeur de français en banlieue parisienne. Elle a notamment


publié_ Antisèches d’une prof. Pour survivre à l’Éducation nationale_ (Les Presses de la cité, 2025)._ ------------------------- Il est faux de dire que la jeunesse de France est dépourvue


de toute forme de talent tant elle se montre inventive dans les mille et une manières de dégrader son environnement. Les amateurs de spectacles violents me diront que barricades et émeutes


ont toujours existé dans le pays qui a vu naître la Révolution mais celles-ci, jusqu’ici, avaient l’immense avantage d’être politiques. Ici, c’est réinventer des barricades de Juillet qui ne


dénoncent rien, qui ne disent rien si ce n’est la seule jouissance de se laisser aller au bruit et à la fureur dans une idiotie proportionnelle aux dégâts causés. Il y eut les barricades de


la Fronde, les barricades de 48, celles des révoltes ouvrières et de la Commune. Désormais il y aura les émeutes footballistiques. Et l’on se doutait que, peu importe l’issue de la finale


remportée par le PSG, la barbarie nous attendrait au tournant. Plus personne ne s’étonne de constater que de la victoire ou de la défaite naissent les mêmes résultats. D’un point de vue


philosophique, il y a de quoi se questionner. Plus rien n’aurait donc de sens que le chaos ? La seule chose devenue certaine en ce monde serait la certitude du boucan, tout le reste n’est


que friables fioritures. Les hordes qui ont surgi ne sont là que pour une chose : déferler sur un monde qui les fascine autant qu’il leur répugne. Il y a de l’envie, de la rage et de la


bêtise. Et à ceux qui aborderont ces débordements sous le seul prisme du malaise social, ont-ils vu les vidéos ? Parce qu’il y a beaucoup de vantardise et bien peu de revendications dans ces


manifestes filmés, c’est à qui s’immortalisera devant la plus grosse « dinguerie ». Qui a volé une paire de Nike au débotté ? Qui a démantibulé un poteau qui ne demandait rien d’autre que


d’exister en paix ? Qui a craché au visage d’un pompier ? > Le foot n’est que prétexte, certes. En attendant, la France panse > ses plaies et l’on doit faire le dos rond à chaque 


veille de > match > Ophélie Roque Il y aurait une liste à la Prévert à faire autour de la folle créativité des casseurs dont certains, ne l’oublions pas si hâtivement, se sont


transformés en meurtriers. Parce que de ces deux nuits chaotiques, deux morts sont à déplorer. _Champion mon frère_ _,_ si l’on se réfère aux éléments de langage du président lui-même, et


qui préfère visiblement se la jouer « djeun’s » au moment où il devrait plutôt assumer une stature de chef d’État. Vitrines brisées, magasins dévastés (de Chanel à Foot Locker, de Maisons du


Monde à Franprix), véhicules incendiés (264 véhicules la première nuit, 187 la seconde), bancs arrachés, abribus fracassés, barrières allégrement jetées sur le périphérique, feux de


signalisation déplantés… Mais encore ? Vélos et trottinettes que l’on enflamme, mortiers que l’on lance, bouteilles que l’on envoie, pavés, débris et ordures que l’on jette au visage des


policiers, chaises et tables de café que l’on brise, boutique Lacoste à Angers que l’on pille (deux nuits de suite !), périphérique que l’on transforme en piste de rodéo, voiture que l’on


crashe dans une vitrine d’assurance… Mais encore ? 1127 départs d’incendie, 1 023 personnes en état d’arrestation, 312 blessés dont 7 graves, 27 membres des forces de l’ordre blessés et 10


pompiers agressés. Et deux décès : un jeune de 17 ans poignardé à Dax, un autre de 20 ans percuté par une voiture dans le XV arrondissement de Paris. Et pourtant, la préfecture de police de


Paris, dirigée par Laurent Nuñez, dit avoir anticipé les troubles en mobilisant un dispositif «massif» de plus de 5 400 policiers et gendarmes dans la seule capitale (renforcé le 1er juin


par 2 000 agents supplémentaires afin de sécuriser « au mieux » la parade et les festivités). Malgré cela, les forces de l’ordre furent dépassées. Comment lutter aussi quand les chiffres


sont aussi disproportionnés et que _« plusieurs milliers de personnes venues pour en découdre »_ s’abattent sur une capitale apeurée ? Le foot n’est que prétexte, certes. En attendant, la


France panse ses plaies et l’on doit faire le dos rond à chaque veille de match.