Bruno et Denis Podalydès sont à l'affiche du film "Les Deux Alfred" : "Une façon de revivre notre enfance"


Bruno et Denis Podalydès sont à l'affiche du film

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La ressemblance n'est pas frappante, mais la complicité et la tendresse sont évidentes. Pas besoin de rires forcés aux bons mots de l'autre ni de flatteries appuyées pour dire l'admiration


réciproque. Bruno et Denis Podalydès, 60 et 58 ans, inventent dans la joie d'être ensemble un cinéma plein de fantaisie burlesque mettant en scène des personnages lunaires : Dieu seul me


voit (1998), Liberté-Oléron (2001) ou Comme un avion (2015). Pour leur neuvième film en tandem, Les Deux Alfred, ils n'ont jamais été aussi proches, l'aîné réalisateur s'offrant un vrai


grand rôle aux côtés de son cadet sociétaire de la Comédie-Française. Ils nous expliquent pourquoi leur affaire de famille tourne si bien.


Denis Podalydès Ma part dans les scénarios de Bruno est toujours modeste mais déterminante. Je suis son premier lecteur et il se sert de moi comme d'un sparring-partner. C'est vraiment dans


les dialogues que nous sommes complices, car l'exercice offre un jeu de ping-pong très stimulant. On se titille mutuellement, et en général ça part vite et loin! Je suis très doué pour en


rajouter dans le côté inutile, encouragé par un frère qui prend un malin plaisir à me maintenir dans un état d'inconscience et d'innocence, un ressort de comédie indispensable à ses yeux…


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Bruno Podalydès Je n'ai pas besoin de pousser Denis à se ­dépasser, il le fait tout seul! Et malgré son immense savoir-faire, je crois qu'il arrive encore à s'étonner lui-même. Alors que je


suis toujours pris dans un souci de synthèse, lui peut s'abandonner à la légèreté. Avec une grande générosité. Mon frère a une vraie bonté de cœur. Je ne l'ai jamais vu instaurer un rapport


de force dans la réplique : parce qu'il se montre totalement à l'écoute, il joue vraiment avec son partenaire. S'il sait que je suis ouvert à ses propositions, j'éprouve vis‑à-vis de lui une


grande pudeur : je ne lui demanderai jamais de se mettre tout nu devant ma caméra et je ne lui infligerai jamais une scène d'humiliation. Le cinéma n'est pas un endroit pour régler ses


comptes!


D.P. J'ai toujours envié l'humour de Bruno. Je ne me sens pas assez drôle et j'y pense beaucoup. Voilà pourquoi j'aime tant les metteurs en scène : c'est grâce à eux que je peux faire rire.


Je n'ai pas toujours l'impression d'être amusant devant la caméra, je ne sais pas très bien ce que je donne, mais si je vois un sourire sur le visage de mon frère, je suis rassuré et je me


sens autorisé à faire le mariole. Parce qu'il est mon aîné, il y a sûrement chez moi une volonté d'être encore meilleur acteur dans ses films : je sais ce qui va le faire rigoler et je vais


tout mettre en œuvre pour lui en mettre plein la vue.


B.P. J'aime bien faire le comédien dans mes films car j'ai l'impression de participer, comme un musicien dans un orchestre, mais je n'ai aucun complexe à dire que ce n'est pas mon métier. Je


n'ai jamais eu le goût du déguisement ni l'envie d'être quelqu'un d'autre. Le cœur de mon travail, c'est la mise en scène : agencer et bâtir des histoires. J'ai fini par accepter l'idée de


faire au mieux à défaut de faire le mieux, ça me permet de ne plus être dans la frustration. En tant que joueur de backgammon, je compose avec ce que le jet de dés m'offre et j'arrive même à


éprouver une certaine jubilation à optimiser un mauvais tirage.


D.P. Deux ans seulement nous séparent. On a grandi dans la même chambre, on s'est très peu disputés. On a évolué dans une communauté d'esprit, à voir les mêmes films et à partager beaucoup


d'expériences de vie. Ce terreau commun a profondément ancré notre complicité, et on aime retourner y puiser. Nous sommes aussi très proches de Laurent [49 ans, le plus jeune des quatre


frères Podalydès], qui travaille avec nous et qui est sans doute le plus drôle de nous tous. J'ai acheté récemment une maison à la campagne pas très loin de chez Bruno, ce nouveau voisinage


est une source de grande joie pour moi. Entre nous, tout devient plus simple. On avance joyeusement dans une grande confiance.


B.P. Faire des films ensemble, c'est une façon de revivre notre enfance, de réactiver de vieux souvenirs, de continuer à rire de ce qui nous amusait gamins. On reproduit le schéma de nos


premiers spectacles joués devant les parents : c'était déjà moi qui appuyais sur le bouton "enregistrement" et m'occupais des décors et des musiques, tandis que Denis faisait preuve d'une


grande richesse d'expression et s'aventurait dans le burlesque. Nous avions des idées stupides, comme de mettre en scène la mort de Blanche-Neige sur le Requiem de Mozart tout en faisant les


voix des sept nains qui pleuraient… Le plus merveilleux, c'est qu'on continue cinquante ans après!


Un quinqua réussit à se faire embaucher dans une start-up innovante. Le salaire est attractif, mais il y a une règle : pas d'enfant. Un problème pour ce père d'un bébé et d'un garçon qu'il


réussit à faire garder par un hurluberlu cumulant les petits boulots. Bruno Podalydès continue de tricoter un cinéma tout en légèreté et en décalage pour épingler, avec humour et force


gadgets, les excès de notre vie ultra-connectée qui minimise l'humain et encourage à se comporter comme des machines. Face à Denis Podalydès, empêtré dans ses mensonges, on se régale des


mésaventures de Sandrine Kiberlain, manager râleuse et castratrice. Beaucoup de douceur dans un monde de brutes.


De Bruno Podalydès, avec lui-même, Denis Podalydès, Sandrine Kiberlain. 1h32. Sortie mercredi.