Huit minutes d'enfer sous la menace d’une grenade et d’un pistolet. Une vendeuse de la bijouterie Harry Winston braquée à Cannes témoigne de son traumatisme
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Mains tremblantes, Céline, vendeuse en joaillerie, 48 ans, emmitouflée dans son manteau, s’approche de la barre de la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Quatre ans après avoir subi une
attaque à main armée, l’émotion de la victime reste intacte. Ce mardi, au deuxième jour du procès des auteurs du braquage de la bijouterie Harry Winston à Cannes, le président Patrick Veron
l’invite à livrer son récit.
"C’était le 18 janvier 2017. Peu de temps après l’ouverture, un monsieur bien habillé s’est présenté à l’entrée, on lui a ouvert, indique l’élégant témoin. Quand on fait ce métier, on a une
intuition. Il y avait quelque chose d’anormal sans pouvoir vous dire quoi. Je l’ai invité à s’asseoir. Il a commencé à dire que son patron l’avait mandaté pour acheter une bague. Ce n’était
déjà pas courant. J’ai regardé Ludovic [l’agent de sécurité, Ndlr]. Plutôt que de sortir des pièces, j’ai proposé de lui donner un catalogue."
L’individu fait mine de se diriger vers la sortie puis sort une arme. "On était menacés. Le monsieur avait une grenade, se souvient Céline. Ludovic a été mis à terre. Une à une, j’ai ouvert
les vitrines, j’ai mis les pièces dans le sac. Tout ce que je voulais c’est que ça se termine le plus vite possible. J’étais tétanisée."
Céline reprend son souffle. "J’avais peur que la police arrive. Il a voulu m’emmener mais Ludovic s’y est opposé et l’a accompagné dans le sas. Il est parti et on s’est précipité dans le
back-office."
La scène a duré huit minutes. Une éternité pour le témoin: "Je n’arrivais plus à réfléchir. Vous priez pour que ça se finisse. C’est un moment où l’on n’existe plus."
"Vous souvenez-vous des mots échangés avec votre agresseur ?", questionne le président.
"Il m’a demandé de tout donner sauf les montres. Il ne fallait pas qu’on déconne, qu’il n’avait rien à perdre, qu’il pouvait tout faire sauter. J’étais concentrée pour ouvrir les vitrines,
pas faire de mauvais gestes…"
Après ces huit minutes de cauchemar, Céline espérait rentrer chez elle pour se remettre de ses émotions mais les contraintes de l’enquête ne l’ont pas permis. Il a fallu aussi vivre avec ce
traumatisme pendant des mois. "Cela reste toujours en moi mais avec le temps…"
Thierry, agent de sécurité, était dans l’arrière-boutique devant l’écran de vidéosurveillance au moment du braquage. Il explique à la cour et aux jurés qu’il y a eu "des dommages
collatéraux". "Après cette affaire, l’ambiance n’était plus la même, elle était mauvaise. On était en stress permanent." La bijouterie a finalement fermé pour s’installer à Monaco. Le
personnel a été licencié. "On a pris un sacré traumatisme. Ça laisse des marques", ajoute le vigile. "Vous n’êtes pas préparé à ça. Ce n’est pas anodin."
Me Marie Seguin sur le banc de la défense indique que son client veut s’exprimer. Ahmed Babouri, 24 ans, accusé d’être le braqueur qui a dérobé pour 15 millions d’euros de parures,
(introuvables à ce jour), se lève et s’adresse à Céline: "Je voudrais m’excuser auprès des victimes. Sur le moment vous ne le savez pas, mais jamais je ne vous aurais fait de mal. Pardon."
"Vous avez mis des souvenirs très difficiles chez ces personnes pour le restant de leur jour, intervient le président Veron. Et vous n’avez pas le droit de faire ça. Quelle que soit l’arme,
fictive ou non, ça n’a aucune espèce d’importance pour les victimes."
Ludovic, 45 ans, était agent de sécurité dans la bijouterie Harry Winston. Aujourd’hui, il a abandonné ce métier pour une reconversion d’ entraîneur sportif. "Ma priorité, c’est ma famille",
confie-t-il, profondément marqué par ce braquage qui a mis à rude épreuve son sang-froid. Après vingt ans d’armée, il a été confronté ce matin-là à une situation inédite. "Quand vous êtes
avec des militaires, vous savez pourquoi vous allez en opération extérieure..."
Cette fois, la vie de "civils", pour reprendre son expression, était en jeu. "Je venais de remplacer mon camarade, à 11 h 20. À 11 h 23, un Monsieur s’est présenté. Dans son attitude, je
sens qu’il y a quelque chose de pas clair. Il jette ses sacs, il arme son 7.65. La culasse reste bloquée. Au bruit, je sais que ce n’est pas une arme en plastique. Il sort alors une grenade.
Il m’ordonne de me mettre au sol. Il dit : “Je n’ai plus rien à perdre, je vais tout faire péter.” Là ça devient compliqué. Je ne peux prendre aucun risque."
Ahmed Babouri assure aujourd’hui qu’il s’agissait d’une grenade pyrotechnique utilisée dans les jeux de paintball. "À l’armée, les grenades d’exercice sont bleues pas vertes", remarque
simplement la victime qui poursuit son récit : "Il est agité, il veut aller au coffre, il tourne un peu partout. L’objectif est qu’il sorte le plus rapidement." Le malfaiteur veut emmener la
vendeuse. Ludovic s’y oppose et sort avec lui dans le sas. Ludovic conclut sa déposition sans se départir de son calme : "Il ne me semblait pas préparé. Il était hésitant, pas bien. C’est
encore plus dangereux."
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