Course aux armements : Trump lance son « Dôme doré », le bouclier anti-missile spatial au coût astronomique


Course aux armements : Trump lance son « Dôme doré », le bouclier anti-missile spatial au coût astronomique

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C’était une promesse de campagne, puis un décret signé en fanfare le 27 janvier. Trump a annoncé hier sa réalisation effective : d’ici deux ans, les États-Unis mettront en place le projet de


« Dôme doré », capable d’intercepter les missiles depuis l’espace. Sur le modèle du « Dôme de fer » israélien, largement financé par Washington, ce nouveau bouclier antimissile serait


encore plus puissant et pourrait stopper des attaques en provenance de n’importe quel endroit du globe et même de l’espace. Si des experts mettent en doute la possibilité technique de


réaliser cette ambition – ce genre de dispositif étant conçu pour intercepter des missiles de courte et moyenne portée – rien n’est moins sûr que son coût exorbitant.


Alors que le projet n’est encore qu’à son « stade conceptuel » d’après le secrétaire de l’aviation américaine cité par Associated Press, Trump a promis une première enveloppe de 25 milliards


de dollars, qui doit encore être approuvée par le Congrès et un total de 175 milliards pour la réalisation du système, qui serait achevée à la fin de son mandat en 2029. Ces prévisions sont


bien inférieures à celles du Bureau du budget du Congrès qui estime le coût du « Dôme doré » à 542 milliards de dollars sur les vingt prochaines années. Ces dépenses s’ancrent dans


l’augmentation conséquente du budget de la défense américaine et va de pair avec des coupes austéritaires massives, tandis que, plus de 75% du budget prévu par Trump ira à la police et à


l’armée.


Trump a promis hier que toutes les composantes du nouveau système défensif « dernier cri » seraient faites aux États-Unis. SpaceX pourrait réaliser le projet, la compagnie d’Elon Musk ayant


développé ces dernières années le réseau de satellites Starlink, conçus pour des applications militaires dans le cadre du projet Starshield, utilisé dans la guerre en Ukraine. Alors que


SpaceX et Tesla ont bénéficié d’aides publiques s’élevant à 38 milliards de dollars, le « Dôme doré » sera assurément l’occasion pour les patrons de la tech de bénéficier d’aides publiques


conséquentes. Parmi les entreprises en lice, on trouve la société d’analyse de données Palantir qui utilise l’intelligence artificielle pour tuer à Gaza.


La participation du Canada au bouclier et à son financement a également été annoncée hier. Les deux pays collaborent déjà dans le cadre du NORAD, le Commandement de la défense aérospatiale


de l’Amérique du Nord, une alliance serait renforcée par une participation accrue du Canada. Mark Carney, récemment élu premier ministre, s’est engagé à augmenter les dépenses militaires


pour atteindre l’objectif de l’OTAN des 2% du PIB consacrés à la défense et à « négocier une nouvelle relation globale avec les États-Unis en matière de sécurité et d’économie ». Le


renforcement de l’alliance militaire entre les deux pays intervient dans le contexte de la guerre tarifaire, mais aussi les menaces d’annexion sur le Canada.


Comme le rapporte Le Monde, Pékin a immédiatement réagi aux annonces et estimé que le projet de « Dôme doré » porte « atteinte à l’équilibre stratégique et à la stabilité mondiale »,


exhortant les États-Unis à l’« abandonner au plus vite ». Côté russe, la réponse est moins ferme, le porte-parole de la présidence ayant déclaré que la question relevait « de la souveraineté


des États-Unis » et que la « reprise des contacts en vue du rétablissement de la stabilité stratégique entre Washington et Moscou » sera prochainement nécessaire. Si la Russie et, surtout,


la Chine investissent dans l’aérospatial pour concurrencer l’hégémonie américaine sur l’espace, les deux pays ont également renforcé leurs capacités en termes de missiles.


Trump a assuré hier « achever le travail que le président Reagan a commencé il y a quarante ans [dans le cadre de son programme de “Guerre des étoiles”] pour mettre fin pour toujours à la


menace des missiles sur la patrie américaine ». Comme le souligne Jacobin, le projet ouvre un risque de course à l’armement nucléaire : « dans le cas improbable où le système de défense


antimissile fonctionnerait [...] les rivaux des États-Unis déverseraient immédiatement des milliards incalculables dans le développement de nouvelles armes nucléaires capables de le vaincre 


». À l’heure de la recomposition des équilibres géopolitiques et du déclin de l’impérialisme américain, la militarisation accrue s’ancre dans un processus plus ancien d’« arsenalisation » de


l’espace. Ce terme est apparu il y a vingt ans pour désigner la militarisation de l’espace extra-atmosphérique, au-delà de 100 km d’altitude. Le traité sur l’espace, négocié sous l’égide de


l’ONU en 1967, en pleine guerre froide, interdit les actes hostiles dans l’espace, sans établir de seuil pour caractériser ce qui en relève. En 2016, Trump créait une sixième branche de


l’armée américaine, l’US Space Force, tandis qu’en 2024 la mise en orbite d’un satellite russe capable d’attaquer d’autres satellites avait conduit les États-Unis à accuser Moscou de


franchir un cap dans l’arsenalisation de l’espace.


Le projet de Trump reste à ce jour encore une mesure de propagande, dont l’ampleur et le coût exorbitant font planer de sérieux doutes sur la possibilité de sa mise en œuvre. Mais, même si


le « Dôme doré » suivait le destin de la « Guerre des étoiles » de Reagan et ne dépassait pas le stade de projet, cette annonce marque néanmoins une escalade dans la course à la


militarisation. Une course qui va accroître les concurrences entre grandes puissances et les risques de conflit mondial, mais qui va aussi profiter aux grands magnats de la tech tout en


attaquant toujours plus profondément les acquis de la classe ouvrière. Que les milliards prévus par Trump soient finalement dépensés dans ce projet pharaonique ou dans quelque autre


instrument de mort, les sommes astronomiques dédiées au budget de l’armement seront autant de milliards supprimés dans l’ensemble des budgets que les travailleurs ont arrachés au cours de


l’histoire de leurs luttes, que ce soient les services publics ou la Sécurité sociale.