Ehpad de saint-avold : des syndicalistes lanceuses d'alerte poussées vers la sortie


Ehpad de saint-avold : des syndicalistes lanceuses d'alerte poussées vers la sortie

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SALARIÉES ET SYNDICALISTES : DES LANCEUSES D’ALERTE IGNORÉES Les Ehpad privés sont fréquemment au cœur de scandales concernant les conditions de vie des résidents et de travail des salariés.


L’Ehpad de Saint-Avold, rattaché au groupe Colisée via l’acquisition de Villa d’Avril, ne fait pas exception. Dans cet établissement, où les familles déboursent en moyenne 3 800 euros par


mois pour que leur proche puisse y résider, les salariées et leurs représentantes syndicales dénoncent régulièrement des faits alarmants : des soignants seuls pour gérer des services


entiers, des plannings surchargés et des réprimandes systématiques lorsque des problèmes sont exposés. Chloé*, aide soignante syndicaliste CGT aujourd’hui mise à pied par la direction


raconte : « _On a envoyé de nombreux mails signalant des résidents non rasés, non pesés, non douchés ou même pas changés de la nuit. Les retours des familles qu’on leur transmet sont souvent


ignorés. J’avais même écrit à l’Agence Régionale de Santé vu que rien ne changeait_ ». Des dénonciations qui s’ajoutent à celles des familles, dont plusieurs ont porté plainte pour défaut


de soins, nous indique Sarah*, collègue et camarade de Chloé. Elle raconte : « _alors qu’on a des collègues qui enchaînent les nuits sans repos de manière illégale, et qu’on se retrouve


parfois à trois aides soignantes au lieu de six, voire à une seule collègue en soirée au lieu de quatre, j’ai déjà vu la direction rembarrer des collègues en leur disant d’arrêter de les « 


faire chier » avec nos plannings_ ». Chloé souligne « _des familles se plaignent que papa ou maman n’est pas douché. On comprend totalement, mais on peut pas faire différemment au nombre


qu’on est. C’est pour ça qu’on dénonce ces problèmes auprès de la direction_ ». Sarah revient aussi sur la nouvelle organisation que la direction cherche à mettre en place « _sans même se


concerter avec le personnel qui est sur le terrain_ ». Selon elle, cette dernière « _ implique par exemple que lors du « tour de change » nous nous retrouvons à trois aides-soignantes, alors


qu’auparavant nous étions six. Les personnels en charge du nettoyage vont aussi se retrouver avec plus de chambres à nettoyer chaque jour, dans un temps très court. Ces décisions mettent et


en péril la qualité de prise en soins des résidents et accroissent la charge de travail_ ». C’est déjà arrivé que « _des filles pleurent à cause du sous-effectif, en se demandant si c’est


normal de ne pas pouvoir poser un jour de congés sans subir de refus_ » rapporte Lucie*, qui, elle aussi dénonce être poussée vers la sortie pour ses activités syndicales. FACE AUX ALERTES,


LA DIRECTION RÉAGIT PAR LA RÉPRESSION Mais la direction de l’Ehpad ne se contente pas d’ignorer ces alertes, puisque cela fait plusieurs mois que les syndicalistes dénoncent une véritable


répression à leur encontre avec notamment la mise à pieds de Chloé, qu’ils veulent licencier, et un harcèlement subi par Lucie, pour la pousser à démissionner. Pour Chloé, aide soignante, « 


_ce qui les dérange, c’est qu’on dénonce sans hésiter, on ne se laisse pas faire_ ». Cette dernière raconte notamment un épisode, en septembre 2023, où après un week-end où elles étaient


trois aides soignantes au lieu de six, elle a eu l’idée de mettre avec ses collègues un t-shirt « _aide-soignante en colère_ ». « _Lucie est venue aider. Ça n’a vraiment pas plu, deux jours


après la direction régionale est venue et m’a allumé devant tout le monde. On nous en parle jusqu’aujourd’hui_ ». Ces derniers mois, Chloé, Sarah et Lucie se sont de plus en plus affichées


comme syndicalistes CGT, signant leurs tracts avec le logo de l’organisation, et se rendant plus visibles auprès de leurs collègues. Depuis un an et demi, le syndicat est majoritaire dans


l’établissement. Pour Chloé et ses collègues, cet engagement est la raison pour laquelle _Villa d’Avril_ a entamé une procédure de licenciement à son encontre, « _pour un motif bidon_ »,


commente Sarah. « _On lui reproche d’avoir mal fait son travail un soir où on l’a laissée toute seule en soirée, au lieu des quatre aides-soignantes qu’il y aurait du y avoir. Seule à gérer


tous les résidents, vous vous rendez compte de ce que ça représente ?_ ». Dans l’attente de la décision de l’inspection du travail, qui doit statuer sur la légitimité de l’entreprise à


licencier cette élue syndicale, qui a un statut de salariée protégée, elle est sans salaire depuis maintenant deux mois. Pour elle et sa famille « _cet hiver il n’y aura pas de père Noël_ ».


Chloé n’est pas la seule dans le viseur de la direction, puisque Lucie, cadre de santé et secrétaire du CSE régional pour la CGT dénonce elle aussi subir une pression constante pour la


pousser vers la sortie. « _En moins d’un an, on m’a envoyé sept intervenants pour me reprendre sur mes tâches. Un consultant, qui était resté trente minutes avec la directrice avant de venir


me voir, m’a même ouvertement conseillé de quitter mon poste en me disant « c’est noble de faire du syndicalisme mais il faut savoir prendre les bonnes décisions_ ». Pour Lucie, cette


attitude de la direction est motivée par le fait qu’elle est la seule cadre sur la liste de la CGT, et qu’elle soutient ses collègues. C’est notamment elle qui avait représenté Chloé lors de


l’entretien qui a conduit à sa mise à pied. Elle dénonce : « _depuis que j’ai des mandats syndicaux ils s’acharnent crescendo_ ». Pour Sarah, « _c’est du harcèlement pur et dur ce que Lucie


vit. Le fait qu’elle soit souvent déchargée pour faire son travail syndical est utilisé pour lui mettre la pression. Dès qu’il y a un problème dans les services on dit que c’est à cause


d’elle_ ». Elle résume : « _Notre seul tort est d’essayer d’assurer des soins dignes pour les résidents. Nous avons choisi ce métier par vocation, et nous continuerons à dénoncer les


dysfonctionnements_ ». Déterminées à ne pas se laisser faire, les trois femmes ont organisé avec leurs collègues, le syndicat et l’Union Locale CGT de Saint-Avold un rassemblement au mois


d’octobre pour demander l’arrêt de la répression à l’encontre de Chloé. * Les prénoms ont été modifiés