Fin de l'histoire Trump-Musk : Le milliardaire d'extrême droite quitte le DOGE
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Alors que la rumeur courait depuis plusieurs semaines, c’est officiel. Ce mercredi 28 mai, Elon Musk, l’homme le plus riche du monde et patron de X, de Tesla et de SpaceX, a annoncé qu’il
quittait sa mission au sein du DOGE, le département de « l’efficacité gouvernementale » de l’administration étasunienne. Musk profite de la limite légale de 130 jours et de la crise dans ses
entreprises Tesla et X pour justifier un retrait discret, alors que ce sont ses désaccords croissants avec la politique de Trump et la réduction de son influence au sein de l’administration
qui motivent réellement son départ.
Sur X, Elon Musk a remercié Donald Trump « pour l’opportunité d’avoir réduit les dépenses inutiles », et a annoncé que la mission du DOGE allait continuer dans le temps en devenant « un mode
de vie au sein du gouvernement », comme une manière d’atténuer sa décision de partir. Il quitte le département pour revenir aux manettes de ses multinationales, auprès desquelles il a
annoncé retourner travailler « vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ». Mais ce départ s’accompagne aussi d’un autre désengagement de taille : Musk a annoncé lors du
Qatar Economic Forum qu’il allait « faire beaucoup moins de dépenses politiques à l’avenir », précisant qu’il ne voyait « aucune raison pour l’instant de maintenir le niveau de soutien
apporté aux candidats conservateurs ».
Une déclaration qui marque les désaccords croissants avec Trump de la part de celui qui était devenu le principal donateur individuel de la campagne présidentielle du républicain, et l’un
des architectes du basculement d’une partie de la Silicon Valley et des patrons de la tech dans le camp trumpiste, en complet contraste avec 2016. De plus, alors qu’il avait annoncé verser
100 millions de dollars à des organisations dirigées par Trump, le New York Times raconte que cette somme n’a toujours pas été versée.
En quelques mois, Trump aura licencié plusieurs milliers de fonctionnaires, externalisé une partie des services publics à des cabinets privés, et imposé un système de notation des agences
fédérales. Son influence idéologique s’est aussi fait sentir dans les prises de position trumpistes sur des sujets tels que l’Afrique du Sud, où Musk est un soutien notoire des milieux
afrikaners d’extrême droite — un point commun avec les discours de Trump sur un soi-disant « génocide blanc ». Cette annonce, qui marque la rupture entre Trump et Musk, est pourtant loin
d’être surprenante, les tensions étant visibles depuis plusieurs semaines déjà, Musk annonçant dès fin avril vouloir accorder davantage de temps à ses entreprises.
Figures de l’extrême droite américaine, Elon Musk et Trump ont connu une lune de miel bien courte, avant de voir des tensions apparaître autour de la guerre commerciale d’abord, puis du
futur budget américain ensuite. Cette décision de quitter son poste a lieu une semaine après les critiques qu’il a formulées à l’égard du projet de loi de budget, le « Big Beautiful Bill »,
adopté à la Chambre des représentants cette semaine. Le milliardaire a déclaré auprès de CBS avoir été « déçu de voir l’énorme projet de loi sur les dépenses qui augmente le déficit
budgétaire, au lieu de le réduire, et qui sape le travail accompli par l’équipe du DOGE ». Le message est clair : pour le milliardaire d’extrême droite Musk, le milliardaire d’extrême droite
Trump n’en fait pas assez lorsqu’il s’agit de mener la guerre aux travailleurs et aux classes populaires. Musk aurait souhaité des coupes bien plus drastiques, alignées sur ses engagements
ultralibéraux, et considère que le projet actuel mine les objectifs du DOGE.
Alors qu’il devrait revenir sur ces critiques dans l’interview complète publiée dimanche prochain, Elon Musk quitte aussi le gouvernement car il n’a pas réussi à atteindre les objectifs
qu’il s’y était fixé, à savoir réaliser 1000 milliards de dollars d’économies dans le budget de l’État, soit près d’un tiers des dépenses publiques. Au cours de ses quelques semaines au sein
du gouvernement, Musk n’aura réalisé « que » 175 milliards de dollars de coupes budgétaires. Les aspirations antibureaucratiques très offensives de Musk semblent ainsi avoir été fortement
freinées par la réalité du terrain. Au cours d’une interview auprès du Washington Post cette semaine, le patron de Tesla a déclaré que c’était une « bataille difficile pour essayer
d’améliorer les choses à Washington ». Un tacle à peine voilé à l’administration de Donald Trump.
Les désaccords politiques entre Trump et Musk s’expriment d’autant plus que la politique protectionniste de Trump entre en contradiction avec les objectifs expansionnistes de l’homme le plus
riche du monde. Ces contradictions s’étaient déjà exprimées concernant les droits de douane annoncés par Donald Trump en avril. Pour afficher son mécontentement à l’égard de ces politiques
protectionnistes, Musk avait notamment publié une vidéo de Milton Friedman louant la politique de libre-échange. L’augmentation des droits de douane annoncée par le président ont fait perdre
depuis avril plus de 35 milliards de dollars à Elon Musk. De la même manière, le milliardaire s’est plaint auprès de membres de l’administration étasunienne de la signature d’un contrat
avec OpenAI, rival de son entreprise xAI, pour la construction d’un centre de données d’intelligence artificielle à Abu-Dhabi, après avoir cherché, sans succès, à ce que son entreprise soit
incluse dans l’accord.
La politique économique menée par Donald Trump est perçue par Musk comme risquant de mettre à mal ses plans expansionnistes, et reflète les inquiétudes d’une partie de la bourgeoisie
américaine défavorable à la guerre commerciale en cours. Mais Trump entend bien avancer dans sa politique protectionniste, quitte à froisser et à s’éloigner des chefs d’entreprises les plus
influents du continent. Quoi qu’il en soit, face à l’austérité grandissante et la course à la guerre, ni l’« America First » du président ni les politiques libertariennes des magnats de la
tech ne sont une solution pour les classes populaires du pays. La crise de l’hégémonie américaine et les contradictions du camp trumpiste, qui s’expriment dans la guerre en Ukraine et le
génocide en Palestine, pourraient bien ouvrir des possibilités de mobilisation pour les travailleurs.