"couper l'accès de l'ukraine à la mer noire" : pourquoi la russie veut-elle s'emparer de cette zone stratégique? | tf1 info


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* La Russie prévoirait de couper l'accès de l'Ukraine à la mer Noire dans les prochains mois, a prévenu Kiev mercredi 4 juin. * Une perspective jugée "peu probable" par


le géopolitologue Igor Delanoë, interrogé par TF1info. * La zone est en effet cruciale pour Kiev, tant au niveau militaire qu'économique. Suivez la couverture complète Ukraine : 4ᵉ


année de guerre La ligne de front va-t-elle se déplacer en mer dans les prochains mois ? En visite avec une délégation ukrainienne à Washington, le colonel et chef adjoint de


l'administration présidentielle Pavlo Palissa a dévoilé les intentions de Moscou pour 2026, s'appuyant sur des conclusions des renseignements militaires de l'Ukraine. "Le


projet pour l'an prochain consiste à occuper toute la partie de l'Ukraine située sur la rive gauche du fleuve Dniepr" qui coupe Kiev en deux, estime le haut-responsable. Mais


la Russie concentrerait surtout ses forces plus au sud. Le Kremlin voudrait ainsi occuper les régions méridionales d'Odessa et Mykolaïv afin de "couper l'accès de


l'Ukraine à la mer Noire". Une situation qui, si elle se réalise, pourrait totalement bouleverser les équilibres de la région et représenter un énorme coup dur pour le régime de


Volodymyr Zelensky. LA FLOTTE RUSSE "PARALYSÉE" PAR L'UKRAINE La situation en mer Noire est étonnamment stable en ce moment. En cause, "un statu quo qui s'est établi


ces derniers mois", explique à TF1info Igor Delanoë, chercheur associé à l'Iris. "Les Ukrainiens sont parvenus à paralyser l'action de la flotte russe grâce aux drones


de surface navals et à la menace de l'emploi de missiles anti-surface contre les navires de guerre", développe ce spécialiste de la Russie. Un calme relatif presque synonyme de


victoire ukrainienne dans cette zone alors que la Russie, bien plus armée, a cherché dès février 2022 à contrôler cette mer stratégique. Mais Vladimir Poutine n'a jamais abandonné cet


objectif. En 2023, il estimait qu'Odessa, le principal port ukrainien, était une "ville russe". En mars dernier Steve Witkoff avait fait un pas vers cette demande, déclarant


qu'un "accord potentiel sur la mer Noire" pourrait être trouvé. Cet émissaire de Donald Trump n'a cependant jamais vu le jour et les tensions n'ont pas pris fin : le


3 juin, les armées de Kiev ont attaqué le pont de Crimée pour la troisième fois depuis le début de la guerre. > Aujourd'hui, je ne vois pas comment la flotte russe de la mer Noire


> pourrait exercer un blocus vraiment étanche et hermétique Igor Delanoë, spécialiste de la Russie La Russie cherche-t-elle à répliquer et à lancer une nouvelle offensive en mer ?


Impossible de le savoir mais c'est bien ce que craint l'Ukraine si l'on en croit les propos du colonel Pavlo Palissa. La perspective d'un isolement total de


l'Ukraine, qui n'aurait plus aucun accès à la mer Noire, est cependant "peu probable", selon Igor Delanoë : "Aujourd'hui, je ne vois pas comment la flotte russe


de la mer Noire pourrait exercer un blocus vraiment étanche et hermétique. Elle a déjà tenté de le faire depuis les trois ans que durent ce conflit mais elle n'y est pas


parvenue." La Russie ne peut en effet pas envoyer de navires supplémentaires en mer Noire car la Turquie a fermé les détroits dès février 2022, comme l'y autorise la Convention de


Montreux qui régit la circulation maritime dans cette région du globe. Conséquence : le bassin de la mer Noire a été "mis sous cloche". Reste une solution à la Russie pour


atteindre son objectif. "On pourrait imaginer une action combinée de la flotte, des troupes à terre et de l'aviation", envisage le directeur adjoint de l'Observatoire


franco-russe. Dans ce scénario, "si le front ukrainien se fissure et se craquelle vers le sud", Moscou serait en capacité de s'emparer des régions d'Odessa et de


Mykolaïv, les deux grandes villes méridionales. "Maintenant, on n'est pas à l'abri de surprises", prévient Igor Delanoë. UNE CRISE ALIMENTAIRE MONDIALE ? Pour la Russie,


le contrôle de la mer Noire représenterait une victoire sans précédent tant la zone est stratégique pour le commerce international. Une majeure partie des exportations ukrainiennes de


céréales passent encore aujourd'hui par la mer Noire, seul accès maritime dont dispose Kiev puisque la Russie a déjà conquis de facto la mer d'Azov avec la Crimée en 2014. Ces


exportations avaient été brièvement interrompues après le 24 février 2022 mais rapidement rétablies, tant elles sont vitales pour le commerce international. En avril dernier, l'Otan


alertait (nouvelle fenêtre) sur les conséquences d'un arrêt des exportations ukrainiennes par la mer, "le transport de céréales par voie terrestre s’avérant plus complexe". Si


la mer Noire est un "débouché maritime parmi d'autres" pour la Russie, le pays s'y intéresse car la zone reste "la plus dynamique pour le commerce maritime",


que ce soit pour le blé ou pour les hydrocarbures, rappelle Igor Delanoë : "Quand on regarde les volumes qui transitent, les ports de la mer Noire arrivent en tête. Novorossiisk, Taman


et Anapa, près de Krasnodar, sont à la fois des terminaux énergétiques et des terminaux céréaliers." Lire aussi EN DIRECT - Ukraine : plus de 400 drones et 40 missiles russes lancés


pendant la nuit, Zelensky en appelle à ses alliés En réalité, l'Ukraine ne serait pas la seule à pâtir de la réussite d'un tel projet de l'armée russe. Des bases de


l'Otan sont positionnées dans les autres pays possédant un accès à la mer Noire, comme la Roumanie et la Bulgarie. Enfin, la Turquie pourrait s'inviter dans le conflit. Si sa


flotte est davantage tournée vers la Méditerranée, Erdogan avait prévenu dès 2016 : il ne laissera pas la mer Noire devenir un "lac russe", comme elle a été selon lui un "lac


soviétique". ------------------------- Zoé SAMIN