«je me disais que j’allais mal finir» : ces usagers qui ont mis fin à la pratique du vélo en ville
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«JE ME DISAIS QUE J’ALLAIS MAL FINIR» : CES USAGERS QUI ONT MIS FIN À LA PRATIQUE DU VÉLO EN VILLE TÉMOIGNAGES - Pistes cyclables surchargées, voiries «insensées» et vols répétés... Alors
que la bicyclette est célébrée à l’occasion de sa journée mondiale, le 3 juin, de plus en plus de pratiquants renoncent à leurs trajets quotidiens. Publicité Le deux-roues est à l’honneur,
ce mardi 3 juin. Comme chaque année depuis 2018, la journée mondiale du vélo sensibilise les citoyens aux bienfaits de sa pratique sur la santé et l’environnement. Une piqûre de rappel
également destinée aux pouvoirs politiques car, sans infrastructures adaptées et sécurité des déplacements, le constat est sans appel : les usagers de la bicyclette finissent par la ranger
au placard. Les chiffres l’attestent. En 2024, la _«fréquentation vélo»_ a enregistré une timide hausse de 1% à l’échelle nationale, comme l’a révélé le nouveau bilan de l’association
_Réseau vélo et marche_, publié en janvier 2025. Un résultat en demi-teinte, au regard des progressions enregistrées entre 2020 et 2022 - plus de 10% année sur année. Anatole fait partie de
ceux qui ont mis un terme à leur pratique du deux-roues. L’_«effet de mode»_ a en partie fait capituler le jeune parisien de 31 ans qui, à l’issue du confinement, constate l’essor du vélo et
observe une _«espèce de transformation»... _Avec son lot d’inconvénients : _«de nouveaux arrivants sans codes du partage de la voie ont engendré une anarchie assez fatigante»_. Pour ce
cycliste de la première heure - il compte parmi les premiers utilisateurs des _«Vélibs»_, dès 2007 -, le changement est flagrant. Selon lui, l’atmosphère était plus agréable, il y a quinze
ans. _«Nous n’étions pas nombreux, il y avait une bonne cohabitation avec les voitures». _Et ce, même si le vélo n’était pas _«communément admis»._ DES AMÉNAGEMENTS «INSENSÉS» Délivrés des
journées confinées, les Français se tournent vers le fameux deux-roues. _«Pénurie sur le marché» _et _«rupture de stocks»_... Avec plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, l’année
2020 connaît une croissance de 25% par rapport à l’année précédente, d’après le bilan d’_Union Sport & Cycle_ . Marie, cadre en finance, compte parmi les acquéreurs de l’indispensable
vélo, instrument libérateur des citadins en quête de déplacement : _«la période a concordé avec la perte de mon véhicule de fonction. L’idée du vélo électrique m’a paru bonne»_, témoigne la
Parisienne de 48 ans. Elle passe le cap à l’issue du confinement. Pour Philippe aussi, _«le Covid a fait changer la donne»._ Asthmatique, le retraité de Saint-Maur-dès-Fossés délaisse son
RER habituel au profit de sa bicyclette. En parcourant ses 13 kilomètres quotidiens, _«qu’il fasse beau ou mauvais»_, il détone même par rapport à la tendance observée par _Réseau vélo et
marche, s_elon laquelle la fréquentation des pistes cyclables diminue lors d’épisodes pluvieux. Mais les contrecoups de l’augmentation du trafic se sont fait ressentir, et les voiries
doivent s’adapter aux flux - en témoignent les _«coronapistes»_, censées être provisoires, puis finalement pérennisées dès 2021. Anatole déplore l’état de ces rues _«tout le temps en
travaux»_, dont la réglementation est parfois _«insensée» :_ _«il y a des rues à sens unique où les vélos descendent, alors que les voitures montent»_. À un an des élections municipales_,
_le jeune Parisien soupçonne une _«politique de chiffres» _de la part des élus_,_ _«pour montrer qu’ils créent des kilomètres de pistes cyclables». _ Ces choix _«incompréhensibles»_ font des
victimes, comme Philippe : dans sa commune du Val-de-Marne, peu propice aux aménagements cyclables, les rues à sens unique sont étroites, et un dépassement lui a été fatal : multiples
fractures, cinq mois d’hôpital, un an de soins et déclaré invalide à 23%, _«un handicap à vie»_. Le 26 février 2021, jour de son accident, il signe la fin de ses trajets à vélo. _ _ «MÊME LA
POLICE SE GARE SUR LES PISTES CYCLABLES» À Marseille, le constat est similaire : _«la conception de la ville fait qu’il est impossible de faire rentrer une voie de voiture, des trottoirs
larges, une piste cyclable et deux voies de stationnement»_, témoigne Baptiste. Arrivé dans les Bouches-du-Rhône il y a quatre ans, le commercial de 25 ans espère intégrer le vélo _«dans son
quotidien»_, mais subit rapidement l’irrespect des - quelques - aménagements : _«le cycliste est le dernier à être respecté, même la police s’en fiche et se gare elle-même sur les pistes
cyclables»_. Après huit mois de résistance, ce passionné de vélo renonce à pédaler : _«j’avais le sentiment de prendre plus de risques que sur une départementale, je me disais que j’allais
mal finir»_. Et pour cause : en 2024, 222 cyclistes ont été tués sur les routes françaises, rapporte le bilan provisoire de l’_Observatoire national interministériel de la sécurité_ .
Également installé dans la cité phocéenne depuis trois ans, Victor déplore l’installation exclusive des vélos électriques. S’il estime ce choix compréhensible dans la ville _«très pentue»_,
le jeune homme de 26 ans critique surtout la gestion de la batterie, remplacée manuellement par des agents : _«les vélos ne sont jamais chargés»_. Il a opté pour le scooter, écartant
l’option du vélo personnel, _«à cause des vols»_. LE MÉTRO ? «ON A FINALEMENT UN RÉSEAU SUPER» Ces vols à répétition ne sont pas un cas isolé : à Tours, 763 plaintes pour vols de vélos ont
été enregistrées en 2024, pouvait-on lire dans les colonnes du média _ici Touraine_, en janvier dernier_. _À Marseille, même bilan : d’après le journal _La Provenc_e, 1688 vélos ont été
dérobés durant l’année 2022, _«soit cinq par jour»_. Un groupe Facebook rassemblant plus de 3000 membres a même été créé : sur la page_ «Vélo Volé Marseille»_, les déclarations de vols se
multiplient, et les utilisateurs espèrent remettre la main sur leur bicyclette. Ce _«sport national»_ qu’est le vol a convaincu Anatole à mettre fin à sa pratique, fatigué de se faire
dérober _«une selle ou une poignée de mousse autour du guidon». _Comme pour Baptiste et Victor, c’est une décision _«à regret». _ Pour d’autres, renoncement rime avec soulagement. Outre
l’hypervigilance à l’égard des vols, l’utilisation de la bicyclette demandait à Marie une logistique conséquente : _mettre l’équipement, sortir le vélo, le garer en espérant ne pas se le
faire voler, porter mon sac à main, mon sac d’ordinateur, mon casque et mon antivol... Je n’étais gagnante que de quelques minutes». _En 2023, la cadre en finance met un terme à sa pratique,
admettant que le vélo _«ne correspondait pas à mon mode de vie». _Ravie d’avoir retrouvé ses trajets à pied ou en métro, _«on a finalement un réseau super»_, Marie a envoyé sa bicyclette
par un aller simple à la campagne. Pédaleurs amateurs ou cyclistes aguerris, le constat est général : tous réservent désormais cette activité à un cadre plus paisible.